Les murs en pisé ne sont pas une invention récente. Cela fait déjà 10’000 ans que la terre crue est utilisée un peu partout dans le monde pour construire des bâtiments. Petit tour d’horizon dans l’histoire millénaire de cet étonnant matériau de construction.

Abris à outils pour le centre sportif du Sihlhölzli à Zurich (2001)

Architecte: Boltshauser Architekten AG. Photos: Kuster Frey

Pavillons scolaires Allenmoos à Zurich (2011-2012)

Architecte: Boltshauser Architekten AG. Fotos: Kuster Frey

Concours (non-réalisé) pour l’Océanium de Bâle (2019)

Architecte: Boltshauser Architekten AG. Visualisations: nightnurse images GmbH

Ville de Ouerzazate au Maroc (env. 1’100 – 1’500)

Photos: Reto Westermann

Le fait que l’on retrouve cette technique constructive sur plusieurs continents depuis des millénaires tient sans doute à la simplicité de sa formule: le pisé est en effet un mélange de terre crue, d’eau, de granulats et parfois aussi de paille – des matériaux disponibles en abondance un peu partout dans le monde.

Quand le peuple de la ville d’esclaves Yunkai dans la série «Game of Thrones» acclame Emilia Clarke en tant que Deanerys Targaryen ou que Russel Crow dans le film «Les gladiateurs» se bat à l’épée, c’est Aït-Ben-Haddou qui en compose le fascinant décor historique. La ville située dans le Sud du Maroc, bâtie entre les 12ème et 16ème siècles, offre un magnifique panorama de bâtiments et de murs érigés sur une colline. Ce n’est qu’en y regardant de plus près que l’on reconnaît que les bâtiments sont en pisé. Ils ont dans les 800 ans, mais figurent cependant parmi les réalisations plutôt récentes de ce type de construction. Dans la ville Catal Hüyük en Anatolie, on utilisait déjà la technique du pisé depuis environ 8’000 av. J.-C. On retrouve aussi le matériau dans les pyramides précolombiennes au Pérou ou encore à l’intérieur de la muraille de Chine.

Le fait que l’on retrouve cette technique constructive sur plusieurs continents depuis des millénaires tient sans doute à la simplicité de sa formule: le pisé est en effet un mélange de terre crue, d’eau, de granulats et parfois aussi de paille – des matériaux disponibles en abondance un peu partout dans le monde. Pas besoin de le transporter sur de longues distances et sa fabrication est des plus simples: le mélange est compacté dans un coffrage et offre une grande résistance à la compression après séchage.

Redécouverte au Moyen-Âge

Suivant les régions, les constructions en bois ou en pierre ont ensuite pris le relais des constructions en terre crue. Mais en Europe, les constructions en pisé ont connu une première renaissance à cause du manque de bois. Lyon en était un des points chauds et c’est depuis cette ville que la technique constructive a été importée en Suisse. La terre crue n’était pas inconnue en Suisse, mais on ne l’utilisait que comme masse de remplissage dans les constructions à colombages ou sous forme de briques de terre crue séchées à l’air libre. La construction en pisé a fleuri au 19ème siècle avant tout dans le canton de Thurgovie, comme on peut le lire dans le livre «Pisé. Stampflehm» parue en 2019 (voir propositions de lecture). Mais cette flambée a pris fin dans toute l’Europe au début du 20ème siècle. La grande disponibilité du charbon et l’apparition de moyens de transports modernes ont considérablement facilité la production industrielle des briques.

Redécouverte dans les années 1990

L’Europe a connu une deuxième renaissance de la construction en terre crue au début des années 1990. Martin Rauch en fût le pionnier en Autriche, au Vorarlberg. Constructeur de fours en terre crue, il a lui-même redécouvert la technique constructive du pisé lors de son engagement dans l’aide au développement en Afrique. En collaboration avec des architectes, Rauch a redonné ses lettres de noblesse au pisé pour la construction de murs, par exemple avec Roger Boltshauser de Zurich. Le duo a réalisé en 2001 les deux premiers abris à outils de Suisse pour le centre sportif du Sihlhölzli à Zurich. Boltshauser a également prévu et prévoit encore la terre crue dans d’autres projets – comme par exemple dans son projet non réalisé pour l’océanuim de Bâle. D’autres architectes suisses se sont également laissé tenter. Notamment Herzog & de Meuron en 2014, pour la Maison des plantes pour Ricola à Laufon, ou encore la jeune architecte Saikal Zhunushova de Winterthur et ses projets pour le salon Bauma ou au Kirghizistan. Tous ces récents projets de construction en pisé reposent sur une fabrication purement manuelle – comme depuis des millénaires. Mais un nouveau chapitre de cette technique constructive est désormais en train de s’écrire à Stein, en Suisse, avec la construction en 2022 d’un nouveau bâtiment administratif de l’entreprise ERNE AG Holzbau, composé en partie d’éléments de construction en pisé, préfabriqués avec l’assistance d’un robot (voir texte principal). Une technique constructive millénaire fait donc son entrée dans le monde digitalisé du 21ème siècle. Et qui sait: peut-être que la combinaison de la robotique et d’un matériau de construction ancestral finira elle aussi par devenir le décor d’un film de science-fiction?

Propositions de lecture

«Martin Rauch – Gebaute Erde, gestalten & konstruieren mit Stampflehm», Otto Kapfinger, Marko Sauer (Hrsg.), München 2022, Verlag Detail, Fr. 84.90
«Pisé. Stampflehm», Roger Boltshauser, Cyril Veillon, Nadja Maillard (Hrsg.), Zürich 2019, Triest Verlag, Fr. 89.–

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