Jusqu’à aujourd’hui, la construction en pisé était un laborieux travail manuel. La nouvelle technique développée par ERNE AG Holzbau change la donne: grâce à l’assistance d’un robot, il est désormais possible de préfabriquer en grandes quantités des éléments de parois complets, comme pour la construction en bois préfabriqué. Voilà qui ouvre de nouvelles perspectives en combinaison avec des éléments préfabriqués en bois. ERNE en a fait la preuve par l’acte récemment en construisant un nouveau bâtiment pour l’entreprise avec 350 éléments en pisé.

Site du futur bâtiment de bureaux de ERNE à Stein (AG); préfabrication avec l’assistance d’un robot; stockage des 350 éléments en pisé

Images: ERNE AG Holzbau

L’idée d’utiliser la terre crue convient bien à ERNE: l’entreprise de construction bois est sans cesse à la recherche de nouveaux matériaux susceptibles d’augmenter la masse des bâtiments en bois. Et un matériau quasi sans énergie grise et réutilisable à souhait convient parfaitement à la stratégie de durabilité de l’entreprise.

Au commencement était un piètre terrain à bâtir; à la fin, une renaissance digitale d’un matériau de construction millénaire; entre-deux, une série de décisions courageuses, des collaborateurs hautement motivés et la volonté de réussir. Voilà comment on pourrait résumer l’histoire des éléments de pisé préfabriqués avec l’assistance d’un robot pour la construction d’un nouveau bâtiment de bureaux de l’entreprise ERNE AG Holzbau à Stein, dans le canton d’Argovie.

C’est un peu plus complexe quand on y regarde de près. Le nombre des collaborateurs de ERNE augmente sans cesse et le besoin en bureaux aussi. Et c’est donc tout naturellement qu’un nouveau bâtiment de trois étages a été construit directement à côté de l’actuel bâtiment administratif à Stein. Le nouveau bâtiment offre une centaine de places de travail supplémentaires et a été construit avec un système constructif hybride bois/terre crue. Des premiers sondages du terrain à bâtir ont révélé des conditions délétères pour l’excavation et les fondations, ce qui a motivé les responsables à trouver de nouvelles solutions: «Le matériau limoneux et inorganique était difficile du point de vue de la technique constructive, mais convenait en fait parfaitement pour la fabrication de murs en terre crue», raconte Michael Liechti, vice-directeur de ERNE AG Holzbau. Il a donc été décidé de transformer ce désavantage en avantage et d’utiliser ce matériau pour en faire un des composants des murs du bâtiment. Et comme chez ERNE, on aime bien repousser ses propres limites, l’entreprise n’allait pas se contenter de construire quelques murs à titre décoratif dans les étages de bureaux; non: l’idée était bien de construire en pisé un noyau sanitaire et d’escaliers sur les onze mètres de hauteur des trois étages du bâtiment.

Du préfabriqué en six semaines

Lorsque le bon mix de terre, d’eau et de granulats a été trouvé pour les parois en pisé, le matériau d’excavation a été mélangé dans la fosse durant l’extraction, avant d’être stocké sur un terrain voisin de l’entreprise. Cette étape a été réalisée conjointement entre les sociétés affiliées ERNE Bauunternehmung (entreprise de construction) et Kies + Béton Münchwilen. Ne restait plus qu’à résoudre la question de savoir comment produire en peu de temps environ 350 éléments de murs en terre crue. Il semblait tout à fait inconcevable de le faire à la main. Voilà un défi qui a réveillé les ambitions des collaborateurs: s’inspirant des techniques de préfabrication semi-automatisée d’éléments en bois, il fallait inventer un robot capable de réaliser les monotones et difficiles étapes du processus de fabrication des éléments en pisé. La direction de l’entreprise s’est laissé prendre au jeu et a donné son feu vert projet. Une chaîne de production a donc été installée sous chapiteau sur le site de l’usine, un robot industriel de seconde main a été acheté et modifié avec l’ajout d’un outil de damage. Les collaborateurs ont en parallèle développé une trémie en acier permettant de doser facilement les couches de terre crue avec la pelleteuse. «Tout le monde a mis la main à la pâte et a fait des heures supplémentaires», raconte Tobias Bucher, développeur de marché chez ERNE. Le pari s’est avéré payant: six semaines plus tard, le premier élément de pisé préfabriqué par le robot a pu être stocké dans un garage voisin pour être mis au séchage. «La voie était libre pour la production en série», lance Bucher.

Production en parallèle

La chaîne de production dans la halle comprenait trois loges côte à côte, derrière lesquelles le robot faisait ses allers-retours sur rails, ce qui a permis de travailler en parallèle sur trois éléments à la fois. Lors de la première étape, les collaborateurs remplissaient le coffrage ad hoc de plusieurs centimètre de terre crue avec la trémie spéciale et une pelleteuse électrique. Cette couche était ensuite comprimée par le robot, une opération répétée autant de fois qu’il le fallait pour obtenir la hauteur souhaitée de l’élément. Dans les loges voisines, on remplissait parallèlement les prochains coffrages. Après leur production, tous les éléments achevés ont été transportés dans la halle de stockage pour y être séchés pendant environ huit semaines. «Ce processus nous a permis de produire des éléments 12h/24h», précise Tobias Bucher. Et comme pour la construction bois, chaque élément est estampillé d’un QR-Code, qui fournit toutes les infos utiles sur la production et les points de montage. La dimension maximale des éléments a été déterminée par une série de tests. Les dimensions idéales se sont avérées être de 1,2 mètres de haut sur 3 mètres de long et 30 centimètres d’épaisseur. Les plus grands éléments pesaient près de 2,7 tonnes et étaient suffisamment stables après séchage pour pouvoir être intégrés au bâtiment suspendus à des sangles par une grue. Là, des collaborateurs empilaient les uns sur les autres les éléments tridimensionnels préfabriqués par ordinateur, comme des legos géants, avant de les jointoyer avec du mortier d’argile. Pour chaque étage, une couronne en béton délimite les murs en pisé. Cela permet de les stabiliser et de niveler les inégalités

En quête de maître d’ouvrage innovants

Les deux noyaux de leur bâtiment ne sont pour ERNE que le début d’une nouvelle aventure. Les experts maison ont déjà commencé à cogiter sur l’avenir de la production: dans l’idéal, on devrait pouvoir produire les éléments sur place, comme ce fût le cas à Stein, et donc réduire à presque rien les transports. Les éléments n’avaient dû y être transportés que sur une distance de 500 mètres, et la chaîne de production pourrait très bien être montée ailleurs. «Nous avons acquis une grande expérience et nous en sommes déjà à la suite du développement de notre compétence en matière de construction en terre crue», raconte le responsable de projet Tobias Bucher. On pourrait imaginer des parapets en éléments de terre crue, mais le matériau pourrait aussi être employé pour des dalles de couverture. «Nous sommes prêts, il ne nous faut plus que des clients qui ont envie d’explorer de nouvelles voies avec nous», se réjouit Tobias Bucher de ERNE. Ces derniers auront d’ailleurs tout loisir de découvrir de quoi il retourne, à Stein, chez ERNE, puisque dès l’été 2023, il sera possible de venir en visite dans les murs en pisé du nouveau bâtiment… et de faire un petit tour du côté des dernières innovations en matière de construction bois.

Tout le monde a mis la main à la pâte et a fait des heures supplémentaires. Le pari s’est avéré payant: six semaines plus tard, le premier élément de pisé préfabriqué par le robot a pu être stocké dans un garage voisin pour être mis au séchage. La voie était libre pour la production en série.

Tobias Bucher, Marktentwickler ERNE

Video: ERNE AG Holzbau

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