Alors que la technique du bâtiment s’est complexifiée au cours des dernières décennies, le low-tech fait depuis quelques années de plus en plus d’adeptes. Au lieu de mettre en oeuvre des technologies de bâtiment hautement développées, on voit émerger de plus en plus souvent des systèmes simples basés sur des principes naturels. Modulart s’est entretenu avec un pionnier en la matière, Beat Kegel, et lui a demandé quelle quantité de technique était utile dans un bâtiment et comment fonctionnait le système Kegel.

Mon but n’est pas la low-tech, mais le confort intérieur.

Beat Kegel, Kegel Klimasysteme

Monsieur Kegel, comment un bâtiment doit-il être conçu pour que la low-tech puisse fonctionner ?
Beat Kegel: Pour simplifier, je dirais qu’avec une bonne enveloppe, prenant en compte l’énergie solaire et les besoins des usagers, la low-tech émerge d’elle-même. Dans une maison de ce type, on peut réduire de moitié les installations techniques, parce que le bâtiment assure lui-même la majeure partie du chauffage et du refroidissement : aux deux tiers, voire aux trois quarts. Architecture et technique forment un tout. Mais il faut les planifier en conséquence.

Quels sont les fondamentaux de votre système ?
BK: Mon but n’est pas la low-tech, mais le confort intérieur. Je conçois des bâtiments où les usagers se sentent bien. Cela nécessite un bon bâtiment, qui ne doit pas seulement être bien isolé, mais qui doit aussi disposer d’une masse thermique suffisante pour être active. On en a besoin pour capter et stocker temporairement la chaleur.

Dans une nouvelle salle de classe par exemple, les élèves dégagent eux-mêmes quasi instantanément deux à trois fois plus de chaleur qu’il n’en faut pour chauffer la salle, même avec des températures extérieures inférieures à zéro degré. Mais si l’on pose des panneaux en laine de verre sous le plafond en béton pour des raisons acoustiques, le plafond ne peut plus capter et stocker la chaleur. Ce qui veut dire qu’il fera trop chaud dans la salle, que l’on va ouvrir les fenêtres, que la chaleur va sortir, et quand les élèves auront quitté la salle, le chauffage va s’enclencher. Il vaut donc mieux résoudre le problème acoustique d’une autre manière. La chaleur dégagée par les enfants pourra alors être captée et stockée temporairement dans le plafond, et on n’aura pas besoin de chauffage, ni durant la journée ni durant la nuit.

In Gebäuden mit Ihrem System wird naDans les bâtiments équipés de votre système, la ventilation se fait vers l’intérieur. Pourquoi ?
BK: Dans un bâtiment moderne et bien isolé comme je le conçois, l’apport d’air frais vient d’un espace central, par exemple un corridor, et l’air vicié est évacué la plupart du temps via la salle des WC. Dans ces pièces, l’air entrant et sortant passe de l’extérieur à l’intérieur et inversement via un appareil de ventilation.  Les échanges d’air sont automatiques, c’est de la simple physique : l’air vicié plus chaud monte dans les pièces, l’air frais plus froid entre au niveau du sol et se répand de lui-même dans les pièces. Pour que cet échange d’air fonctionne, les portes doivent être ouvertes sur les corridors. Si une porte doit être fermée, par exemple dans un bâtiment de bureaux ou une école, j’intègre des ventilateurs composites dans les portes. Ces éléments échangent l’air entre le corridor et les salles de manière quasi inaudible. Avec l’avantage de ne pas avoir à ouvrir les fenêtres pour aérer les salles dans un bâtiment fortement exposé au bruit extérieur.

Est-ce que votre système fonctionne indifféremment dans une nouvelle construction et une rénovation ? Existe-t-il des bâtiments qui ne conviennent pas du tout ?
BK: Je ne fais pas de distinction de principe entre nouveaux bâtiments et bâtiments rénovés ou transformés. Pour moi, un bâtiment transformé doit être aussi bon qu’un nouveau bâtiment. Les anciens bâtiments ont souvent une masse importante et conviennent donc particulièrement bien. Mais je ne touche pas aux bâtiments avec des façades en verre : trop d’influences extérieures et pas assez de masse pour que la low-tech puisse fonctionner.

Est-ce que les utilisateurs se rendent compte du système low-tech?
BK: Non, il n’ont rien à enclencher ou à régler, le système fonctionne en toute discrétion. Dans un immeuble de bureaux, je veille à ce que les locaux soient chauds et que la masse du bâtiment puisse stocker de l’énergie en hiver. Les salles où les thermostats ne sont pas réglés sur «chauffer» reçoivent aussi un peu de chaleur. Et quand les gens arrivent dans les bureaux, la chaleur est captée par la masse, où elle est temporairement stockée. En été, je refroidis les salles à 23 degrés, de sorte que le matin, quand les gens arrivent, il fait agréablement frais. Il s’agit d’une gestion prévisionnelle qui n’est pas laissée au soin de l’utilisateur. Ce dernier peut régler lui-même la température au cours de la journée, mais chaque nuit le système est réinitialisé et mis au repos

Comment avez-vous développé votre système ?
BK: Tout a commencé dans les années 80, quand les opérateurs financiers ont troqué les salles de marché pour les bureaux open-space. A l’époque, les bureaux climatisés étaient encore rares, tout comme les ordinateurs. Mais très rapidement, les opérateurs financiers ont été équipés de dizaines d’ordinateurs. Et la température a grimpé dans les 35-38 degrés Celsius dans les pièces. Je travaillais alors pour l’entreprise Sulzer et je voyageais dans le monde entier. Quand j’ai vu que les systèmes de refroidissement standards ne fonctionnaient pas dans des pièces où travaillaient des opérateurs financiers, j’ai conçu une table de refroidissement – qui a connu un succès retentissant.

J’ai ensuite perfectionné le système, d’abord dans des immeubles de bureaux standards, puis dans des écoles et depuis environ deux-trois ans, dans des immeubles d’habitation, pour lesquels je reçois en ce moment énormément de demandes. Et maintenant que j’ai 65 ans, je reçois même des demandes pour des églises. Nous sommes en train d’assainir une église à Fällanden et une autre à Zurich-Wiedikon. Nous développons dans ce cas des meubles chauffants que nous pouvons installer à l’intérieur des églises. Je me réjouis de voir s’ils auront autant de succès que les tables de refroidissement des bureaux des opérateurs financiers.

Les systèmes de ventilation usuels nécessitent des kilomètres de tuyauterie. Est-ce que la branche s’est enlisée sur la voie des excès de matériel ?
BK: La ventilation mécanique d’un bâtiment, dont le débit correspond à une occupation maximale de chaque pièce, nécessite un haut débit de circulation d’air et une tuyauterie conséquente. La quantité d’air des immeubles de bureau est de 4 à 5 mètres cubes par heure et par mètre carré. Mais en situation d’occupation effective, elle est d’environ 100 mètres cubes par heure et par personne. C’est la pratique usuelle, mise en œuvre par bon nombre de planificateurs.

J’installe quant à moi 1,5 mètres cube par heure et par mètre carré, et n’ai pas besoin de tuyauterie horizontale. Je n’ai jamais reçu de plainte pour manque d’air, mais bien plutôt des compliments pour la bonne qualité de l’air ambiant et le bon taux d’humidité de l’air en hiver.

Que coûtent vos solutions en comparaison avec les systèmes classiques ?
BK: Mon système est nettement meilleur marché. Il coûte entre 30 à 50 pour-cent de moins qu’une solution classique. Les coûts énergétiques et d’entretien sont également moins élevés. Mais ma solution implique un changement de paradigme. Cela pose certains défis à la branche.

Est-ce que ça va marcher quand-même ?
BK: Quand un système est bon et que le marché réalise que ça fonctionne avec moins de technique, le système s’impose de lui-même. Cela prend toutefois une dizaine d’années pour que les entreprises prennent confiance, évaluent des projets et que s’installe une culture autour du système.

Je suis persuadé que la planification va changer, parce que de plus en plus de solutions low-tech arrivent sur le marché. Difficile de dire laquelle va s’imposer.

Est-ce que ces nouvelles approches sont déjà enseignées dans le cadre de la formation ?
BK: J’ai bien peur que non. Je m’en rends compte quand je fais un projet avec de jeunes diplômés. Ils disent qu’ils ont appris des choses différentes de ce que je fais.

Votre système est fortement orienté sur l’utilisation. Que se passe-t-il quand un bâtiment change d’affectation ?
BK: Je ne peux évidemment pas transformer une école en salle d’opérateurs financiers. Mais plus un bâtiment est autonome, plus il est flexible dans son usage. Construire des bâtiments flexibles n’est pas une question de coûts, c’est une question de choix.

Quels sont vos bâtiments les mieux réussis ?
BK: J’ai déjà construit plus d’une centaine de bâtiments équipés de mon système. Ils fonctionnent bien, même s’ils n’ont pas tous le même degré d’efficacité. Le Swisscom Business Park à Ittigen, achevé il y a huit ans, constituait une grande nouveauté pour la branche : le construction a été distinguée en 2016 par le Prix Watt d’Or dans la catégorie «Bâtiments et espace». Du point de vue des coûts d’investissement, c’est le bâtiment le meilleur marché de Swisscom.

L’assainissement de l’immeuble de bureaux de la Rosenbergstrasse à Saint Gall, aujourd’hui occupé par l’Institute of Computer Science de la HSG, est particulièrement bien réussi. Le maître d’ouvrage a pleinement joué le jeu. Ce projet a également été distingué par un Watt d’Or.

L’immeuble d’habitation Neuraum, réalisé en bois d’ourdissage à Horw, est le premier immeuble d’habitation d’une certaine importance que j’ai planifié. Il fonctionne bien, même si un bâtiment en bois se comporte un peu différemment qu’une construction en dur. J’ai dernièrement fait visiter l’immeuble à un groupe de personnes, lors d’une journée d’hiver grise et pluvieuse. Et quand nous sommes rentrés dans l’immeuble, il y faisait 23 degrés. Les gens étaient impressionnés.

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